20 Octobre 2021
En complément de l'article "Fête de la science à Monestiés", voici une interview que nous avons réalisé lors de cet événement, avec l'une des habitantes et organisatrices :
Je travaillais au SONC (Science Operations and Navigation Center), le Centre de Mission de Philae au CNES. Nos partenaires étaient le DLR à Cologne qui hébergeait le Centre de Contrôle de Philae, l'ESA, responsable de la sonde Rosetta, et les scientifiques du Lander.
Le SONC avait la responsabilité, en collaboration avec ses partenaires, du choix du site d'atterrissage sur la comète et des calculs de la trajectoire de descente. Après l'atterrissage, il s'occupait de la programmation des 10 instruments scientifiques à bord de Philae et du traitement des données pour les rendre directement analysables par les scientifiques, et les différentes équipes. J'étais personnellement responsable de la composante Traitement des données, depuis le recueil, le traitement, la diffusion, jusqu'à l'archivage long terme au Planetary Data System de la NASA.
Toutes sortes de données étaient à gérer. En premier lieu, les paramètres caractérisant la comète (forme, cartographie, axes de rotation, densité,...) nécessaires au choix du site et recueillies 6 mois uniquement avant l'atterrissage lorsque la comète a commencé à être en vue de la sonde Rosetta, après 10 ans de voyage. Et puis bien sûr les mesures des instruments de Philae (caméras, magnétomètre, spectromètres, tomographe, sondeur,...). La réalisation et la mise au point de ces traitements ont pris une dizaine d'années.
Le moment le plus impressionnant pour moi et tous les participants a été celui de l'atterrissage de Philae sur la comète, tant il était attendu, risqué et inédit (c'est la 1ère fois qu'un engin allait se poser sur une comète, qui était encore totalement inconnue 6 mois auparavant). La descente après la séparation d'avec la sonde a duré 7 heures, sept heures sans aucune visibilité, sans savoir si Philae allait dans la bonne direction, et puis la 1ère image qui nous est parvenue était celle de la tête de la comète prise par la caméra de Philae à quelques centaines de mètres d'altitude. Nous savions que la mission allait réussir !
La découverte scientifique la plus impressionnante est que la comète contient bien les éléments qui ont pu contribuer à l'émergence de la vie sur Terre. On y a trouvé notamment un acide aminé, la glycine, ainsi que du phosphore qui est un composant essentiel de l’ADN. De nombreux composés organiques ont été également détectés.C'est la confirmation de ce que théorisaient les scientifiques.
Je voudrais également citer l'image prise par la caméra de Philae du rocher qui l'a arrêté. Cette image est porteuse d'enseignements scientifiques mais aussi d'une grande émotion car on y voit le pied d'un engin construit par l'homme posé sur un matériau vieux de 4,5 milliards d'années (naissance du système solaire), à 500 millions de kilomètres de la Terre, et qu'il a atteint après un voyage de10 ans et de 6,5 milliards de kilomètres !
Je parlerais de l'immense engouement du public pour cette mission et de l'intérêt populaire que l'atterrissage sur une comète a suscité dans le monde entier. Elle compte parmi les missions d'exploration spatiale les plus réussies et médiatisées après les premiers pas de l'Homme sur la Lune.
Merci à Joëlle Durand pour ce témoignage touchant et très intéressant.